Il y a des moments de vie où l’on souhaite avantager quelque peu ses (petits-)enfants, neveux, nièces, etc., et de préférence pas par décès spontané. Pour les biens mobiliers, la solution de la donation est une voie qui reste royale en Belgique. Mais, revers de la médaille, suivant le trajet emprunté, on évitera totalement ou pas du tout les droits de donation. Saviez-vous qu’il est une voie du milieu qui peut être celle de la sagesse ?
On connaît les deux solutions habituellement suggérées :
1. La donation sans déclaration (*)
Elle est parfaitement légale. Si le donateur ne décède pas dans les 5 ans (décret wallon 01/01/2022), les droits ne seront plus jamais dus. Mais si c’est le cas, la donation devra être intégrée à la succession. D’où un impôt qui grimpera d’autant plus vite que le lien de parenté est distendu.
Exemple :
Bernard (quel joli prénom), fringuant célibataire (à son corps défendant) et résidant en Wallonie donne 50 000 € à chacun de ses deux enfants Simon et Camille, qui lui disent bien merci parce qu’ils ont été bien éduqués. En cas de décès dans les 5 ans (Dieu l’en préserve), chaque enfant paiera 875 € de droits de succession, soit un total de 1 750 €.
Ceci est néanmoins très théorique puisqu’on agit comme si cette seule somme composait la succession. En réalité, elle va s’ajouter aux autres avoirs (im)mobiliers et donc, les droits étant calculés par tranche, c’est comme si on rajoutait la donation sur la tranche d’imposition la plus élevée…
Exemple :
Si on ajoute à la donation un bien immobilier de 300 000 € et un patrimoine mobilier restant € 50 000 €, la succession se monte à 450 000 €. Ce qui donne par enfant 15 125 € de droits de succession à payer, soit 30 250 € en tout.
Par contre, en cas de décès après 5 ans, la donation ne rentrera pas dans la succession, et dans notre exemple, celle-ci serait calculée sur un capital ramené à 350 000 €, ce qui donne 9 125 € de droits / enfants, soit 18 250 €. C’est à dire une différence de 12 000 € ! On voit que la progressivité n’est pas une vaine notion.
Pour savoir quel sera l’impôt qui pourrait vous concerner, consultez les infos sur notaire.be.
2. La donation avec paiement de droits d’enregistrement réduits
Dès réception de ces droits sur le compte de l’état, la donation est réputée hors succession, le délai des 5 ans ne jouant plus.
On notera que les droits d’enregistrement peuvent être payés a posteriori, et donc, au cours des 5 ans. Cela peut être utile si le donateur n’a rien déclaré, mais que, par exemple, on lui diagnostique un an après la donation une maladie avec une fin de vie dans les 6 mois. Il peut alors se rendre à l’enregistrement (Bureau de Sécurité Juridique) et payer les droits réduits. Dans cette formule ‘bis‘, le décès inopiné (genre : oh, un camion !?) est largement déconseillé.
Exemple :
Dans le cas de figure évoqué ci-dessus, les droits réduits se montent seulement 3,3 % (ligne directe, peu importe le montant), soit 1 650 € par enfant, ce qui donne un total de soit un total de 3 300 €. C’est déjà moins cher et ça l’est d’autant moins si l’on tient compte de la taxation par tranche en succession (voir point 1).
En reprenant l’exemple ci-dessus, on a d’une part 350 000 € en succession, et 100 000 € en donation. Les droits de succession sont de 9 125 € / enfants, et ceux déjà payés en donation, 1 650 €. Au total, cela donne (9 125 + 1 650) x 2 = 21 550 €.
3. Mais il existe une troisième voie, celle de la sagesse…
Vous pouvez parfaitement passer par la première solution (la non-déclaration de la donation) et en même temps assurer le risque de paiement des droits en souscrivant une assurance temporaire décès.
Le principe est simple. Il faut d’abord calculer à quels droits de succession on s’expose. Ensuite, le donateur souscrit une assurance-vie où les donataires / héritiers sont les preneurs et les bénéficiaires, et où le donateur est la personne assurée. La durée du contrat sera de 5 ans, évidemment.
En cas de décès du donateur dans les 5 ans, l’assureur paiera le capital couvert sans que celui-ci entre dans les droits de succession puisque le preneur et le bénéficiaire sont la même personne. C’est ce qu’on appelle une stipulation pour soi-même, laquelle n’est pas taxée.
Exemple :
Reprenons Bernard et ses enfants. Chaque enfant souscrit une assurance comme preneur et bénéficiaire, mais avec Bernard comme personne assurée. Le capital assuré par contrat est 6 000 €, ce qui correspond à la différence entre les droits de succession qu’il faudrait payer si Bernard décède dans les 5 ans, et le montant des droits s’il décède après 5 ans, dans la formule non enregistrée, bien sûr.
Si Bernard décède en cours de contrat (5 ans), l’assureur paiera le capital 2 x 5 250 €. Dont coût, en sachant que Bernard à 59 ans (la force de l’âge) : 200 € par contrat, soit un total de 400 € (**). Cette formule est donc moins chère qu’un enregistrement, tout en permettant une couverture de risque adéquate.
Conclusion
Résumons les possibilités et coûts dans l’exemple de Bernard :
- Donation sans enregistrement, succession, décès dans les 5 ans : 30 250 €
- Donation sans enregistrement, succession, décès plus de 5 ans après la donation : 18 250 €
- Donation enregistrée, succession, décès avant ou après 5 ans : 21 550 €
- Donation sans enregistrement, couverture assurance, succession, décès avant ou après 5 ans : 18 650 €
On constate donc que la formule 4 est la seconde plus avantageuse, la première étant bien sûr celle reprise au point 2, mais n’offrant aucune garantie.
Bien sûr, de nombreux paramètres sont à prendre en considération :
– Le montant de la succession potentielle
– L’impact de l’ajout d’une donation sur celle-ci
– Le nombre et les degrés de parenté
– La région concernée
– L’âge du donateur par rapport à l’assurance vie
– Etc.
Mais d’une manière générale, il ne faut pas être fort en math pour comprendre que cette voie est bien celle de la sagesse…
On notera tout de même un bémol : certaines compagnies ont des critères d’exclusion (âge de souscription, montant minimal à couvrir, etc.). En fonction de votre situation, nous pourrons vous orienter au mieux.
————————————–
(*) On parle de l’évitement de l’enregistrement direct ou par notaire. Ce qui n’annule nullement la recommandation de mettre la donation par écrit pour en avoir trace légale.
(**) En fait, 393,44 €, mais nous avons arrondi pour la facilité. Ce tarif est celui en vigueur chez notre partenaire AFI ESCA au moment de la parution de l’article.